Piste n°2

- LA TOUR/CHANTIER-POEME, le 16 mars

Louve construit une tour en KAPLA
Il faut racheter des KAPLAS, dit elle, il n’y en a pas assez
Elle veut une tour jusqu’au plafond
Au plafond de la chambre
Au plafond de ma chambre
Elle la recommence sans cesse
Elle est pointilleuse tatillonne et déterminée : la tour ne doit pas pencher (ne doit pas pencher ne doit pas pencher...)
Elle fait, elle défait
Elle ne se souvient d'aucune tour. Elle l'invente.
Elle cherche
Et la tour toujours, elle penche

Louve construit une tour en KAPLA
Elle choisit de la construire derrière l’échelle de la mezzanine qui mène à mon lit
Elle pourra grimper l’échelle elle-même au fur et à mesure de l’avancée de la tour pour faire grimper ladite tour jusqu’au plafond
La tour ainsi finira au plafond
De la mezzanine
Sous mon lit

Louve construit une tour en KAPLA, à droite de l’échelle qui mène à mon lit
Elle biaise
Les fondations de la tour sont légèrement décalée à la droite de l’échelle, ainsi de là, la tour pourra atteindre le plafond de la chambre, en gratte-ciel et en toute sécurité pour la constructeuse, agile, qui montera par palier régulier, à l’échelle-échaffaudage
Vertige

Louve construit une tour, dans ma chambre
Haute, il faudra lever la tête au plafond pour voir la fin de la tour
Fragile, la tour s’avance et pique vers le plafond-ciel mais elle s’effondre régulièrement : elle est dans le passage vers la salle de bain. Elle gêne
Chacun la bouscule sur sa route, en passant, par mégarde
Du coude ou de la hanche

Louve construit une tour en KAPLA
Carrée et inerte. Longueur égale largeur
Pour plus de solidité elle choisit maintenant de la monter plat sur plat
Jusqu’alors la tour se montait, une tranche à plat, puis une tranche debout
Comme un poème. Avec des longs et des courts
Mais ici une tour. Avec des plats et des hauts

Louve construit une tour mouillée et glissante
Elle a nettoyé sans essuyer tous les KAPLAS où elle avait écrit son nom pour rire
Maintenant on ne rit plus
La tour est spectaculaire
Son nom ne doit pas figurer sur la tour

Cette nuit à nouveau, la tour a basculé. Accident de chantier. Vacarme. Panique. Le chat s’est escapé dans la cour par la chatière.

Louve s’est découragée. Ce matin, elle rassure le chat. Constate le désastre sur ses doigts
Le chantier de la Tour était semé d’embûche
Les KAPLAS gisent sur le tapis rouge de la chambre, éparpillés
Je les enjambe le matin pour parvenir à mon bureau. Et la nuit pour grimper l’échelle de la mezzanine jusqu’à mon lit


Décombres

Chantier reporté

Piste n°4

- Reprise modulée, Performance

Tu reprends le poème de la piste 2. Tu le vois ? Il est juste au dessus en rouge.
Cette fois, tu commences par lancer un tapis sonore vol 5 barres sur ton ordinateur.
Tu cliques là, tu cliques quand tu es prête : c'est Construçao de Chico Buarque
Il n’y pas d’image. Seulement la pochette du disque. Et la musique. Reviens. Reviens.
Tu baisses un peu. Tu pourras lire dans ta tête les paroles en portuguais, ou en français. C'est en dessous mais après. Tu entends ?
D'abord tu commences à lire le poème de la piste 2. A voix haute. Claire, légère et fluide. Sans gêne. Rien ne gêne. Sans embarras.
Il te faudrait une voix qui glisse, une voix qui ne suggère rien. Une voix qui ne souligne rien.
Je ne veux pas que tu soulignes. Ça ne va pas quand tu soulignes. J’entends mieux tout seul.

Au moment des violons. Tu appuies sur pause. Sans sciller. Sans hésiter. Tu entends ? Puis tu remets au début, là. Toujours 5 barres pour le volume de ton ordinateur.
Et tu continues à lire. La suite du poème.
Au moment des violons. Tu dois être à gratte-ciel et toute sécurité peut-être. Tu continues.
Baisse un peu
A 1 minute 51 tu entends le break. Tu entends le break ? C’est là. C’est la suspension. Elle est très courte.
Et tu appuies sur pause encore. VAs y. Vas y je t'attends. Je ne suis pas pressée. J'attends tranquillement.
Et là tu attends. Tu attends encore un peu.
Tu comptes jusqu’à 14 à peu près.
Et là tu appuies sur PLAY,
P.
L.
A.
Y.
et tu recommences au début le poème. Voilà. Tu vas plus vite. Plus vite. Plus vite. Tu entends les violons.
Chut. Tu ne t’arrêtes pas, tu poursuis. Tu poursuis. Tu continues.
La musique et le poème. La lecture et la musique.
Au moment des cuivres. Le poème se termine. La musique en pompier
Tu la laisses dérouler jusqu’à la fin.
Fais ce que tu veux.
Fais ce que tu veux.
On a toujours mille et une choses à faire de très important.
Profite-en.
Les pompiers arrivent pour récupérer le corps de l’homme écrasé au pied de la tour
Les pompiers arrivent à grand bruit.
Les pompiers arrivent à grand bruit.
Ils emmènent les morceaux.

CONSTRUÇAO /Chico Buarque/Premier couplet PLAY.

Amou daquela vez como se fosse o último/ Il a aimé cette fois comme si c'était la dernière

Beijou sua mulher como se fosse a única/ Il a embrassé sa femme comme si elle était la dernière

E cada filho seu como se fosse o pródigo/ Et chacun de ses fils comme s'il était unique

E atravessou a rua com seu passo bêbado/ Et il traversé la rue de son pas timide

Subiu a construção como se fosse sólido/ Il a grimpé la construction comme s'il était une machine

Ergueu no patamar quatro paredes mágicas/ Il a dressé à l'étage quatre murs solides

Tijolo com tijolo num desenho lógico/ Brique après brique dans un dessin magique

Seus olhos embotados de cimento e tráfego/ Ses yeux voilés de ciment et de larmes

Comeu feijão com arroz como se fosse o máximo/ Il s'est assis pour se reposer comme si c'était un samedi

Sentou pra descansar como se fosse um príncipe/ Il a mangé des fayots avec du riz comme s'il était un prince

Bebeu e soluçou como se fosse máquina/ Il a bu et a sangloté comme s'il était un naufragé

Dançou e gargalhou como se fosse o próximo/ Il a dansé et ri comme s'il écoutait de la musique

E tropeçou no céu como se ouvisse música/ Et il a trébuché dans le ciel comme s'il était un ivrogne

E flutuou no ar como se fosse sábado/ Et il a flotté dans l'air comme s'il était un oiseau

E se acabou no chão feito um pacote tímido/ Et il a atterri sur le sol comme un paquet flasque

Agonizou no meio do passeio náufrago/ Il a agonisé au milieu du passage public

Morreu na contramão atrapalhando o público/ Il est mort sur la contre-allée, perturbant le trafic

Le trafic fluide c'est quand tout marche comme sur des roulettes.
Tout roule. Personne n'est mort.

Vertige.
Fatigue.
Fatigue.

Bruit Poussière Ciment Bruit
Bruit Poussière Ciment Bruit

Tombe.

Viande.

Chantier reporté.