13 mars



« (Les hommes sortent. Ophélie reste sur la scène, immobile dans cet emballage blanc.) »

FINAL DU HAMLET MACHINE
DE HEINER MÜLLER

Alors, les hommes sortent.

Ça paraît rien, la phrase est brève, mais si on fait sortir les hommes, ça fait au total 24 hommes alignés au générique de Hamlet qui défilent. Qu’est-ce qu’on a d’autre sous la main ? Deux femmes.

Deux femmes, Ophélie pour l’une, Gertrude pour l’autre.
Qui sont elles ?

Sur grand écran ce serait facile : Catherine Deneuve rencontre Adèle Haenel et on a le topo tout de suite.

Une reine du passé – et une amazone.

On n’est pas au cinéma.

Alors on prend nos armes de théâtre.

Au théâtre on a la parole. Par la parole on peut faire entrer tout le reste.

Dans tout le reste, il y a HAENEL et DENEUVE.

Par exemple.

Petit portrait de HAENEL par DESPENTES

« Adèle se lève et elle se casse.

Ce soir du 28 février on n’a pas appris grand-chose, par contre on a appris comment ça se porte, la robe de soirée.
À la guerrière. Comme on marche sur des talons hauts. Comme si on allait démolir le bâtiment entier, comment on avance le dos droit et la nuque raidie de colère et les épaules ouvertes. La plus belle image en quarante-cinq ans de cérémonie – Adèle Haenel quand elle descend les escaliers pour sortir et qu’elle vous applaudit, et désormais on sait comment ça marche, quelqu’un qui se casse et vous dit merde.
Je donne 80% de ma bibliothèque féministe pour cette image-là. Cette leçon-là. Ton corps, tes yeux, ton dos, ta voix, tes gestes, tout disait : oui on est les connasses, on est les humiliées, oui on n’a qu’à fermer nos gueules et manger vos coups, vous êtes les boss, vous avez le pouvoir et l’arrogance qui va avec mais on ne restera pas assis sans rien dire. Vous n’aurez pas notre respect. On se casse.

Faites vos conneries entre vous.
Célébrez-vous, humiliez-vous les uns les autres, tuez, violez, exploitez, défoncez tout ce qui vous passe sous la main.
On se lève et on se casse.
C’est probablement une image annonciatrice des jours à venir.

La différence ne se situe pas entre les hommes et les femmes, mais entre dominés et dominants, entre ceux qui entendent confisquer la narration et imposer leurs décisions et ceux qui vont se lever et se casser en gueulant.
Nous n’avons aucun respect pour votre mascarade de respectabilité. Votre monde est dégueulasse. Votre amour du plus fort est morbide. Votre puissance est une puissance sinistre. Vous êtes une bande d’imbéciles funestes. Le monde que vous avez créé pour régner dessus comme des minables est irrespirable. On se lève et on se casse. C’est terminé.

On se lève. On se casse. On gueule. On vous emmerde. »


Et voilà, c’est bien dit.

On a le royaume pourri, avec sa puissance sinistre, avec ses imbéciles funestes, ce monde irrespirable qui a été créé pour que ceux qui défoncent tout ce qui leur passe sous la main règnent dessus…
Et puis on a Ophélie, sa robe de soirée à la guerrière, et son image annonciatrice des jours à venir .

On sait comment Ophélie sort de la pièce de Shakespeare, de nombreux tableaux, de nombreux poèmes nous le rappellent sans cesse. Elle se casse – et elle se noie.

Puisqu’on est sorti de Shakespeare, sorti pour sorti, on cherchera aussi son dos droit, on travaillera aussi sa nuque raidie de colère, on dansera aussi ses épaules ouvertes, et on tachera enfin qu’apparaisse son image annonciatrice des jours à venir...


13 mars suite

Petit portrait de DENEUVE par elle-même

« On nous intime de parler comme il faut, de taire ce qui fâche, et celles qui refusent de se plier à de telles injonctions sont regardées comme des traîtresses, des complices ! Or c’est là le propre du puritanisme que d’emprunter, au nom d’un prétendu bien général, les arguments de la protection des femmes et de leur émancipation pour mieux les enchaîner à un statut d’éternelles victimes, de pauvres petites choses sous l’emprise de phallocrates démons, comme au bon vieux temps de la sorcellerie. De fait, #metoo a entraîné dans la presse et sur les réseaux sociaux une campagne de délations et de mises en accusation publiques d’individus qui, sans qu’on leur laisse la possibilité ni de répondre ni de se défendre, ont été mis exactement sur le même plan que des agresseurs sexuels. Cette justice expéditive a déjà ses victimes, des hommes sanctionnés dans l’exercice de leur métier, contraints à la démission, etc., alors qu’ils n’ont eu pour seul tort que d’avoir touché un genou, tenté de voler un baiser, parlé de choses « intimes » lors d’un dîner professionnel ou d’avoir envoyé des messages à connotation sexuelle à une femme chez qui l’attirance n’était pas réciproque. Cette fièvre à envoyer les « porcs » à l’abattoir, loin d’aider les femmes à s’autonomiser, sert en réalité les intérêts des ennemis de la liberté sexuelle, des extrémistes religieux, des pires réactionnaires et de ceux qui estiment, au nom d’une conception substantielle du bien et de la morale victorienne qui va avec, que les femmes sont des êtres « à part », des enfants à visage d’adulte, réclamant d’être protégées. »

Et voilà pour Gertrude. Une reine qui en tant que reine ne comprend pas bien où est le problème avec le pouvoir, le sexe et les hommes.

Sincèrement. Une femme qui ne se reconnaît pas dans une pauvre petite chose …

Et puis, on comprend bien - une reine qui au-delà de ne pas ressentir le besoin d’être protégée, se doit à l’inverse de protéger son Claudius des infâmes calomnies qui circulent à son encontre...

20 mars



«J’ai eu la chance de rencontrer l’art parce que j’avais, sur le plan psychologique, tout ce qu’il faut pour devenir une terroriste. Au lieu de cela j’ai utilisé le fusil pour une bonne cause, celle de l’art.»


« Je veux créer, créer l’instant présent, créer de la beauté, quelque chose. Quelque chose qui vous ressemble, qui est dans l’instant, qui fait penser aux bombes, à une énorme explosion, à la fin du monde ! BANG ! ».

              Niki de Saint Phalle



HAMLET ET CRÂNE À PAILLETTES hamlet


Une femme s’est penchée sur l’emblème du être ou pas.
Ou comment la mort a pris un visage d’or et de mosaïque…


Alors la femme...
Mariage ou couvent ?

Car le placement de la femme semble osciller dans Hamlet entre ces deux seules offres sociales…

On peut faire l’hypothèse que Gertrude résout cette impasse d’une certaine façon en restant le plus proche possible du pouvoir (au point de pouvoir l’influer ?) (mais aussi, au point d’y perdre son âme ?) (et son fils ?).

On peut faire une autre hypothèse : Ophélie transcende l’impasse par la poésie absolue – plongeant son corps dans le poème... (traverse le mur du fond sans même le voir ?) (même si son corps, lui, est détruit par le passage ?) (dans le poème jusqu’au cou - jusqu’à la folie ?) (jusqu’à l’extrême rivage de la noyade ?) (jusqu’à l’hystérie, si on tombe d’accord avec les psychanalystes que l’hystérie est d’abord un dévoilement, par un processus impérieux d’extériorisation, de ce qui est habituellement caché à l’intérieur, et donc une manifestation comme une autre de la poésie ?).

Alors
Mariage ↔ couvent
ou
mariage = couvent ?


Au fond, LA MARIÉE de Niki pose la même question...

hamlet

De même que les NANAS de Niki, par l’autre bout du spectre -

hamlet

Et si Poésie et Pouvoir s’entremêlent quand le féminin et le masculin se frottent l’un à l’autre, les TIRS À LA CARABINE de Niki viennent exploser les ridelles étroites installées pour restreindre le champs du dialogue - hamlet

Merci Niki...

3 avril



Ophélie, Gertrude et les fantômes...

GERTRUDE
Il est triste, comme tout enfant qui a perdu son père. Tous les enfants perdent un jour un père, une mère. 

OPHÉLIE
Il n'est pas triste. Il est hanté.

GERTRUDE
Nous sommes tous hantés.

OPHÉLIE
Je ne crois pas. Je crois que pour être hanté par quelque chose il faut croire en elle. Il faut penser qu’elle n’a pas dit son dernier mot. Il faut lui parler. Il faut écouter ce qui lui reste à dire. Lui laisser sa chance, lui laisser du temps. Alors la chose nous revient. Elle nous regarde. Et si on tend l’oreille, elle nous parle peut-être… Elle altère nos souvenirs… Elle modifie nos actions… Elle travaille notre mémoire. Je ne crois pas que cette mémoire là vous intéresse… 

GERTRUDE
Je ne crois pas aux fantômes.

OPHÉLIE
C’est dommage. Alors vous ne les verrez jamais.

J'y vais

INVENTAIRE

des formules d'écritures

Échantillonnages

où ça grince ça chuinte et ça langue

Les Partitives

Ateliers, Performances

Les Marquises
La Carte Postale

LA PROCHAINE FOIS, écris moi (bientôt)